Nous recherchons et sélectionnons les experts les plus adaptés à vos besoins.
Interview de Faustine Duriez : la reconnaissance dans le travail à l’heure du digital
Interview de Faustine Duriez, fondatrice de Cocoworker, par Julie Huguet
Julie Huguet : Faustine Duriez, tu as créé Cocoworker à partir d’un constat : il y a trop peu de reconnaissance dans le monde professionnel alors qu’il y a des leviers à activer. Qu’est-ce que tu as vécu pour te lancer dans ce projet entrepreneurial ?
Faustine Duriez : Il y a cinq ans, j’étais consultante en conduite du changement, donc j’étais là pour donner envie à mes collègues d’embrasser le changement, de travailler en transversal, d’oser, d’innover, etc. Et en fait, je constatais que j’avais de plus en plus de mal à faire mon travail au quotidien. Les collaborateurs n’étaient pas considérés pour ce qu’ils apportaient. Il y avait un décalage entre les discours de changement et ce qui était véritablement reconnu sur le terrain, et cela générait une perte de sens. C’est ce qui m’a amené à imaginer une solution pour laquelle chaque personne allait pouvoir valoriser ce qui se fait dans son entreprise, en ligne avec les comportements, les attitudes qui étaient attendus au quotidien. Les systèmes de reconnaissance traditionnels sont incomplets, parce qu’ils se font 1 à 2 fois par an lors d’entretiens individuels, fondés sur les compétences et les résultats individuels, mais pas assez sur les qualités humaines, les soft skills qui ne sont pas faciles à évaluer. De plus, ces évaluations sont très verticales, réalisées par les managers ou les RH qui ne peuvent pas tout voir et tout savoir, encore moins sur des qualités humaines. Voilà le constat qui m’a poussé à proposer ce système collaboratif.
Julie Huguet : Donc ton constat était que le manque de reconnaissance engendrait du désengagement des collaborateurs. Et à partir de là, tu te lance dans l’entrepreneuriat pour répondre à cette problématique que toi même tu as vécu et qui, finalement, est plus globale : comment retenir ses collaborateurs, comment les fidéliser, comment les attirer ? Une augmentation, un bon salaire et un baby-foot ne suffisent plus.
Faustine Duriez : C’est intéressant que tu mentionnes le baby-foot et le salaire. En fait, il y a cinq leviers de bien être ou de souffrance, au travail. Les trois premiers sont bien connus : l’outil de travail, le lieu de travail, la rémunération. Et il y en a deux autres qui sont moins connus : c’est le contenu du travail et les relations au travail. Et le plus important, ce sont les relations que nous entretenons avec nos collègues et notre manager. Elles déterminent notre bien-être, notre performance et notre attachement à une organisation. Et donc en valorisant, en créant des ponts entre les personnes, en demandant à chacun d’être attentif à l’autre, on encourage la pratique et le développement de ces relations au quotidien. De bonnes relations, c’est clé, mais c’est très fragile. Ça peut changer. Donc ça a besoin d’être traité de façon continue et ça demande également de développer des compétences relationnelles et managériales qui s’apprennent par la pratique. C’est ce qui nous a amenés à créer cet outil de management positif pour aider le manager à développer la dimension relationnelle de son travail en ayant une attention continue et personnalisée à ses collaborateurs et aussi en aidant chaque salarié à pratiquer davantage, justement, ses compétences relationnelles.
Julie Huguet : C’est vraiment dans l’air du temps. La crise a mis sous les feux des projecteurs cette complexité à manager à distance. Les managers sont un peu dépourvus. Comment engager mon équipe, créer du lien, quand on ne voit pas, qu’on ne partage pas un café, qu’on ne peut pas déjeuner ensemble ? C’est un vrai sujet actuel. Est-ce que la crise a accéléré la réflexion des responsables des ressources humaines sur ces sujets-là ?
Faustine Duriez : Il y a eu un vrai déclic, une urgence presque pour savoir gérer cette complexité de comment créer du lien quand on a des équipes qui se croisent. Parce qu’on va vers une hybridation du travail, des personnes qui vont travailler de chez elles, qui vont se croiser ou qui vont être sur site, etc. Tous ne seront jamais là en même temps, à part lors de séminaires. Mais les relations vont devoir se développer avec de nouveaux rituels managériaux. C’est exactement ce qu’on propose avec Cocoworker : un rituel de partage de messages d’encouragement, de remerciements, de soutien, d’émotions positives. La particularité des émotions positives est qu’elles nous attirent, elles génèrent de la confiance. Elles préviennent les conflits parque que l’on se sent beaucoup plus attachés les uns envers les autres. Ce type de rituel va permettre aux managers de créer un vrai collectif, et les RH ont compris qu’il y avait besoin d’apporter plus d’outils pour motiver et retenir les talents.
Julie Huguet : Comment mesures-tu que ce que tu mets en place fonctionne ? Qu’il y a un vrai impact pour l’entreprise ? Quels sont les KPI que tu suis ?
Faustine Duriez : On le voit à l’envers, parce qu’un manager qui pratique notre solution est un manager qui envoie une parole valorisante à chacun de ses collaborateurs. Donc, le fait que mes managers utilisent la solution est une preuve que ça fonctionne, qu’on a réussi à encourager la pratique.
Julie Huguet : Et tu as des success stories d’entreprises ?
Faustine Duriez : On a un client qu’on accompagne depuis quatre ans. Il a commencé avec 20 personnes. Ils sont 260 personnes aujourd’hui, avec des collaborateurs assez jeunes qu’il faut pouvoir retenir. Ils ont réussi à s’emparer de l’outil et à développer un management extrêmement fort d’un point de vue relationnel. Ils ont réussi à devenir des vrais managers coach pour chacun de leurs collaborateurs et ils utilisent l’outil vraiment comme une to do en tant que manager.
Julie Huguet : Tu as été un peu visionnaire en imaginant une solution qui est en train d’être dans l’air du temps. Qu’est ce qui fera que tu auras changé suffisamment les choses et que ce sera une victoire dans dix ans ?
Faustine Duriez : La victoire, ce sera quand le temps consacré à l’humain ne sera plus considéré comme une perte de temps. Si on a compris que l’on devait prendre autant de temps pour développer le relationnel que pour développer l’opérationnel, on aura réussi à manager au top.
Retrouvez Faustine Dauriez sur LinkedIn