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Platform.sh : une pépite French Tech 100% international avec Ori Pekelman
Interview Ori Pekelman par Julie Huguet
Julie Huguet : Aujourd’hui, je suis ravie d’être avec Ori Pekelman, chief strategy officer de platform.sh. Vous avez créé une technologie qui va faire rêver tous les développeurs. Une technologie qui permet de dupliquer un site de production, pour aller faire les tests dessus et déployer en prod n’importe quand. Donc, on peut se permettre, même la veille d’un jour de Black Friday, de travailler sur des nouvelles fonctionnalités et de les pousser en prod le lendemain. Est-ce que tu peux nous expliquer ce projet incroyable ?
Ori Pekelman : Avant, pour le Black Friday, tous les gens qui avaient des sites web dans le e-commerce commençaient à dire « on ne touche plus à la prod ! » dès le mois de septembre.
Alors, on a voulu régler cette question de la peur du vendredi pour le développeur. Parce que si quelque chose ne marche pas vendredi à 12h, c’est tout le week end qui part en fumée. On a passé beaucoup de temps à essayer de trouver une manière d’aider ces développeurs. Ce que l’on a trouvé, c’est d’aller prendre la production très rapidement, dans la minute, dans le flux du travail, et de la dupliquer à la perfection, vraiment la même chose, de manière à pouvoir tester chaque changement, de pouvoir faire 30 tests dans la journée. Du coup, quand on fait la mise en prod, on n’a plus la peur du changement. On permet à des gens qui ont peur du changement d’aller beaucoup plus vite.
On a développé un ensemble technologique dans un environnement multi-cloud qui peut se déployer aussi bien sur
AWS que sur Google Cloud, Azure, orange, OVH et qui utilise le même système de gestion des comptes sources que les développeurs utilisent déjà : tout le monde utilise Git.
Plutôt que de gérer uniquement les versions du logiciel, on leur permet de gérer les versions de l’infrastructure. En gros, on a ramené ensemble les codes et l’infrastructure avec toutes les données. Le développeur peur créer une branche de son code dans un environnement de test dans lequel il contrôle tout. Et parce que l’on contrôle tout, on est capable de le faire de manière extrêmement sûre et rapide. On change la relation au changement, en offrant des garanties aussi fortes sur le fait que cela ne peut pas « casser ».
Il y a une technologie profonde derrière, qui n’a encore été reproduite par personne.
Tout à coup, mettre à jour une chose ou mettre à jour une dizaine, une centaine voire des milliers d’applications, c’est les mêmes efforts. Tout est automatisé, cela permet de gérer les changements à grande échelle, en conciliant la liberté donnée aux créatifs et la gouvernance du contrôle dont ont besoin les équipes de sécurité.
Julie Huguet : : Puisqu’on peut agir à grande échelle, est ce que l’impact derrière tout cela est mesuré ? Comment ?
Ori Pekelman : Il y a plein d’impact, et d’abord, un impact carbone.
Évidemment, on s’est posé cette question-là : comment est-ce qu’on le fait sans brûler la planète ? Le cloud tel qu’on le connaît est né en 2008, 2009 et a transformé toute une génération d’entreprises et d’informaticiens dans l’idée de toujours plus de serveurs. Et on se dit que ce n’est pas durable. Avec notre technologie de duplication, on arrive à réduire par 10, par 100 le nombre de machines virtuelles. Et là on est vraiment efficace, les gains sont vraiment structurels. On a aussi voulu rapprocher les installations des clients pour ne pas générer cette consommation électrique au niveau du réseau : c’est aussi cette volonté qu’on a eue dès le départ d’être un opérateur multi cloud, qui permet de rapatrier les charges de travail en étant proche du client final
Julie Huguet : : Donc, c’est un sujet qui a été bien réfléchi dès le début.
Ori Pekelman : Ce que l’on n’avait pas jusqu’à maintenant, c’est la mesure. On connaissait nos niveaux de densité mais quel est l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre ? On n’avait pas les chiffres. On vient de faire un audit complet qui couvre tout pour qu’on puisse donner les informations chiffrées à nos clients. On a aussi acheté une société Blackfire cet été qui a intégré les solutions permettant aux clients, aux utilisateurs d’aller regarder la performance de leurs applications pour avoir des choix. Très souvent, il faut optimiser le code, passer du temps humain à rendre le système plus efficace. Notre boulot, c’est d’essayer de rendre cette démarche plus agréable, pour en faire une démarche globale. On est vraiment dans cette idée de gouvernance en impliquant les équipes qui ont cet intérêt pour l’environnement.
Julie Huguet : : Tu parles de gouvernance : cela m’intéresse qu’on creuse le sujet parce que tu es une société distribuée. Tu as 300 personnes dans plus de 200 villes. Comment une entreprise très innovante comme la tienne s’est-elle structurée ? Quelle est votre organisation interne ?
Ori Pekelman : La première chose qu’il faut dire, c’est qu’il y a une énorme différence entre la boite qui travaille en remote et la boite distribuée. Aujourd’hui, avec la COVID, on a vu plus de gens répliquer ce modèle. Nous, on a commencé dès le départ comme ça. On était cinq dans le même bureau à Paris et on a fait comme si on était à des milliers de kilomètres. La première chose, c’est que les décisions se prennent par écrit. Assez rapidement, Damien, un cofondateur, est parti à Montpellier et Fred, le CEO est parti à San Francisco, puis Damien est allé à San Diego… C’était une démarche volontaire. On était tout petit, avec de grandes ambitions. On a décidé dès le départ que dans notre domaine du cloud, il n’y avait pas de marché français ou allemand, il y avant un marché global. Et la seule manière de pouvoir réaliser quelque chose d’ambitieux était d’être capable d’attaquer le marché américain. On l’a beaucoup vu autour de nous dans les start up françaises autour des années 2015. Des gens qui réussissent localement avec une chose réellement innovante mais trois ans plus tard, les Américains arrivent et remportent le marché. Donc, on s’est dit que la seule barrière de défense que l’on pouvait mettre était de l’autre côté de l’Atlantique. On voulait bien rester Français. On voulait bien rester européen, mais on voulait aussi un marché plus gros.
Et aujourd’hui, plus de 50% de notre chiffre d’affaires se fait aux Etats-Unis. Nos clients de références sont des grands comptes américains, en ayant aussi une présence européenne.