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Réinventer l’entreprise de conseil dans le numérique : interview de Carl Azoury, fondateur de l’ESN Zenika
Interview de Carl Azoury, fondateur de l’ESN Zenika, par Julie Huguet
Carl Azoury, fondateur de Zenika, une ESN de plus de 500 collaborateurs, 1ère du classement Great Place to Work.
Julie Huguet : Carl, pourquoi as-tu décidé de monter une entreprise ? Et surtout une entreprise différente ?
Carl Azoury : En 2006, j’avais déjà, avec les autres co-fondateurs, une volonté de créer quelque chose. Et il y a eu une opportunité. La société de 80 personnes qui nous employait s’est fait racheter par une autre société de 1500 à 2 000 personnes. Ce n’était plus la même taille ni le même projet. L’affect s’est un peu coupé à ce moment-là. C’était le moment de se lancer. Et on crée Zenika, l’entreprise dans laquelle on aurait aimé être en tant que consultant. Deux idées nous ont guidés. D’abord le fait de mettre en avant l’expertise technique. Et gérer l’humain dans la bienveillance, même si ce n’était pas un terme utilisé à l’époque.
Julie Huguet : C’était un peu précurseur !
Carl Azoury : On savait que c’était un métier où il y avait de la pénurie, mais notre volonté n’était pas de mettre en place ce genre de principes pour attirer les talents. C’était vraiment pour nous.
La bienveillance a vraiment été le point de départ. J’ai l’habitude de parler de signes extérieurs de coolitude où on va mettre un babyfoot, une console de jeux, etc. Mais s’il n’y a pas un état d’esprit de bienveillance, si c’est pour reprocher aux gens de jouer, ça ne marche pas. La bienveillance est un travail. On y passe huit heures par jour, cinq jours par semaine. Parfois, des choses nous arrivent dans notre vie perso. On doit aussi être l’entreprise qui accompagne dans ces moments-là. On a aussi accompagné trois de nos collaborateurs pour créer leur entreprise. Pour l’un des trois, on est sorti quand il a fait sa levée de 10 millions. Mais ce n’est pas le monde des Bisounours, cela reste un travail. On a des objectifs, il y a une entreprise à développer. Et le droit à l’erreur n’est pas le droit à l’incompétence. On peut tous se tromper, par contre on apprend de ses erreurs, on progresse, etc. La formation est un autre exemple. Beaucoup de personnes recrutées venaient chez nous en nous disant que dans leur entreprise, elles devaient se battre pour avoir accès à la formation. Du coup, on a dit de manière un peu marketing et un peu mensongère que la formation était illimitée. Ce n’est pas tout à fait vrai, bien sûr, mais chacun sait qu’il peut avoir la formation dont il a besoin. Comme il n’y a pas de frustration, ils ne demandent pas spécialement. C’est ce que j’appelle le syndrome Tour Eiffel. Quand on habite Paris, on ne va pas la visiter parce qu’on peut y aller quand on veut.
Ce qui retient les jeunes, et c’est vraiment ma conviction, c’est un environnement bienveillant pour les accompagner dans leur parcours de carrière. Pourquoi entrer dans une entreprise ? Parce qu’on apprend des choses, parce qu’on grandit au contact des autres, etc. Effectivement, on peut faire le choix de l’argent, du freelancing. L’entreprise doit apporter quelque chose de plus pour accompagner le parcours professionnel, offrir des perspectives, sachant que l’entreprise aura toujours plus de moyens que l’individu.
Julie Huguet : Ce que tu m’as décrit, c’est une culture d’entreprise. On a traversé une période un peu difficile, avec le travail à distance, cette perte de vue des collaborateurs. Qu’as-tu mis en place chez Zenica ? Est-ce que tu aurais des conseils à donner aux entreprises ?
Carl Azoury : La seule contrainte par rapport au télétravail, c’était de prévenir au moins la veille qu’on serait chez soi. La confiance, c’est super important. Je ne donne pas de leçon, je partage notre expérience. On travaille énormément, donc on a le droit d’avoir des espaces de décompression. Quand on est au bureau, il peut y avoir l’apparence du travail. On est occupé, on va dans des réunions, on circule, on discute avec les gens, etc. Quand on ne se voit pas, il n’y a plus l’apparence du travail. Il reste le résultat. Ce que la personne a fait.
Julie Huguet : On voit beaucoup d’entreprises mettre en place des chartes, des règlements assez protocolaires, etc. Toi, tu, tu fais ça comment ?
Carl Azoury : On commence à organiser tout cela mais on n’est pas très avancé. Par contre, dans les faits, on a recruté une personne qui habite sur l’île de La Réunion et travaille pour nos clients en France. Je faisais un entretien ce matin, une personne qu’on a recrutée et qui va travailler depuis Marseille alors qu’on n’a pas de bureaux là-bas. On a un directeur technique qui était à Singapour, qui est revenu en France et qui s’est installé à Dijon alors que l’on n’a pas d’agences à Dijon. Voici quelques exemples. On a déjà initié ce mouvement, on est en train de structurer.
Julie Huguet : Ce qui m’intéresserait pour conclure, c’est ta vision de l’entreprise de demain. Comment penses-tu que ton entreprise va évoluer ?
Carl Azoury : Si je me projette dans les dix prochaines années, le numérique permet de répartir le travail sur tout le territoire national. Donc, on n’est pas obligé d’être concentré à Paris, ou dans une tour à la Défense pour pouvoir trouver un travail intéressant. Si je prends mon exemple de tour à la Défense, on peut imaginer chaque étage dans une ville différente en France, parce qu’on sait bien que toutes les personnes qui travaillent dans une tour ne travaillent pas toutes ensemble. Donc cela reste un projet d’équipe, de l’humain. Et ça respecte l’environnement, on favorise le local et la production locale. Ma vision sur dix ans, et on peut tous oeuvrer à ça, c’est faire en sorte de pouvoir déplacer le travail, ne pas le concentrer dans des endroits, profiter de tout l’espace qu’on a en France et cela permettra, j’en suis certain, de répondre à beaucoup de problématiques sur l’écologie, sur le bilan carbone, etc.
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