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Comment se prémunir du prêt de main d’œuvre illicite ?
L’extériorisation de l’emploi offre de nombreux avantages pour les entreprises utilisatrices mais parfois aussi, certains inconvénients. Le prêt de main-d’œuvre qui est un des moyens privilégiés des entreprises d’avoir recours à des compétences professionnelles ciblées, rencontre une limite juridique dès lors que son objectif est financier.
Autrement dit, le prêt de main-d’œuvre entre entreprises est possible à condition de respecter certains critères. A défaut, l’entreprise utilisatrice et l’entreprise prêteuse s’exposent aux sanctions du délit de prêt de main-d’œuvre illicite concomitante au délit de marchandage.
Ainsi, le prêt de main-d’œuvre illicite (article L8241-1 du Code du travail) est puni de 2 ans de prison et 30 000 € d’amende (article L.8234-1 du Code du travail). L’amende peut être portée à 150 000 € pour les personnes morales (société, association, etc.).
D’autres peines sont prévues, telles que l’exclusion des marchés publics pour une durée de 5 ans au maximum, ou encore l’interdiction d’exercer certaines activités professionnelles. L’Administration peut prendre des sanctions, telles que la suppression des aides publiques à l’entreprise.
Rappelons que si le prêt de main-d’oeuvre constitue le délit de marchandage, le Code du travail donne des définitions distinctes de ces délits. Nous nous focaliserons dans cet article sur la notion de prêt de main-d’oeuvre illicite et les moyens de s’en prémunir efficacement.
Rappel du cadre juridique du prêt de main-d’œuvre illicite
L’article L8241-1 du Code du travail définit le prêt de main-d’oeuvre illicite comme “ Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre (…).”
Il s’agit pour un employeur de mettre ses salariés à disposition d’une autre entreprise pour exécuter une tâche ou une mission. Ce prêt de main-d’oeuvre est donc licite s’il n’a pas de but lucratif en revanche, il sera jugé illicite dès lors que la mise à disposition du personnel génère une contrepartie financière.
Il est important de rappeler que le Code du travail autorise expressément certaines activités à avoir recours au prêt de main d’oeuvre alors que ces derniers comportent une contrepartie financière.
En effet, l’objectif de ces activités est par nature la mise à disposition de personnel à des fins économiques. C’est le cas des entreprises de travail temporaire ; entreprises temps partagé ; agence de mannequins exploitée par une personne titulaire de la licence ; associations ou sociétés sportives ; mise à disposition de salariés auprès des syndicats de salariés ou auprès des associations d’employeurs ou encore les entreprises de portage salarial.
L’un des effets juridiques du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est la continuité du contrat de travail du salarié prêté avec l’entreprise prêteuse. En effet, les engagements contractuels entre le salarié prêté et l’employeur initial demeurent inchangés. Les dispositions conventionnelles habituellement appliquées sont maintenues.
Au terme de cette mise à disposition, le salarié prêté retrouve son poste de travail en préservant tous les avantages de son ancienneté dans l’entreprise.
Éviter le risque du prêt de main-d’œuvre illicite : la rédaction d’une convention de prêt de main-d’œuvre au cœur de la protection juridique
Le délit de prêt de main-d’œuvre illicite sera la plupart du temps rattaché au délit de marchandage car la commission de cette infraction est connectée à la première. Bien que les deux infractions soient distinctes dans leur définition, leurs moyens de protection sont similaires et restent les plus efficaces afin d’anticiper toute commission du délit.
Les points fondamentaux de la convention de prêt de main-d’œuvre licite
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Une convention établissant clairement l’objet du contrat
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Tout d’abord, les conditions contractuelles doivent être claires et la prestation doit être clairement délimitée dès le début.
Par ailleurs, une entreprise qui a recours au prêt de main-d’œuvre, ne doit pas avoir accès à ces compétences en interne sinon le prêt de main-d’œuvre est évidemment illicite (Cass. crim., 28 janv. 1997, no 96-80.727).
En outre, afin de se prémunir contre le prêt de main d’œuvre illicite, l’objet du contrat doit être réalisé tel que prévu et ne pas dépasser le cadre de la prestation pendant son déroulement .
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Une convention établissant une rémunération forfaitaire
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De même que pour le délit de marchandage, le mode de rémunération est central pour éviter le délit de prêt de main-d’oeuvre illicite.
Ainsi, la rémunération du salarié prêté ne doit pas être évaluée au temps passé par ce dernier. La rémunération du sous-traitant doit être fixée forfaitairement au regard du résultat à obtenir (Cass. soc., 19 décembre 2019, n° 18-16.462).
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Une convention établissant les limites des moyens mis à disposition par l’entreprise utilisatrice
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L’utilisation d’un matériel appartenant à l’entreprise prêteuse permet de se prémunir efficacement contre le prêt de main-d’oeuvre illicite. En effet, l’entreprise utilisatrice doit par exemple éviter de fournir les véhicules ou moyens de communication (téléphones, ordinateurs etc) nécessaires à l’exécution de la prestation. Le contrat doit donc stipuler que le salarié mis à disposition utilise bien son matériel et non pas celui de l’entreprise utilisatrice.
Il peut arriver que l’entreprise utilisatrice souhaite fournir le matériel au sous-traitant, pour des raisons de confidentialité. Dans ce cas, le contrat devra exposer les motivations de cette fourniture de matériel par l’entreprise utilisatrice (article L1251-23 Code du travail)
Enfin, l’entreprise utilisatrice doit veiller à ce que les salariés prêtés ne soient pas dans les mêmes espaces de travail que le personnel salarié.
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Une convention établissant l’absence de subordination entre le salarié mis à disposition et l’employeur de l’entreprise utilisatrice
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L’entreprise prêteuse est liée par un contrat de travail au salarié prêté ce qui signifie qu’un lien de subordination existe entre ces deux parties. L’entreprise utilisatrice n’étant qu’une tierce partie au contrat et ce de façon temporaire, elle ne peut pas soumettre le salarié prêté à son pouvoir de direction.
“ Le lien de subordination juridique existe dès lors que le travail est exécuté ou organisé sous l’autorité d’une personne qui a pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de celui le réalise.” (Cass. soc. 13 novembre 1996 n° 93-13.387 ; Cass. Soc 15 mars 2006 n° 04-45518).
Par conséquent, afin de se prémunir contre le risque de prêt de main-d’œuvre illicite, l’entreprise utilisatrice doit veiller à ce que le salarié prêté continue d’être en contact avec l’entreprise prestataire. Elle ne doit donc pas non plus s’immiscer dans le contrôle de l’entreprise prestataire sur le salarié prêté.
Rappelons enfin qu’une convention de prêt de main-d’œuvre n’est valide qu’à la condition que le salarié ait donné son accord (article L. 8241-2 du Code du travail). Le salarié est donc en droit de refuser une proposition de mise à disposition car il s’agit d’une modification de son contrat de travail.
Lorsque le salarié accepte la modification de son contrat de travail, un avenant détaillant tous les points fondamentaux que nous avons énumérés devra être signé par les parties et annexé au contrat de travail initial.
Textes de références :
- article L8241-1 du Code du travail
- article L.8234-1 du Code du travail
- Cass. crim., 28 janv. 1997, no 96-80.727
- Cass. soc., 19 décembre 2019, n° 18-16.462
- article L1251-23 Code du travail
- Cass. soc. 13 novembre 1996 n° 93-13.387 ;
- Cass. Soc 15 mars 2006 n° 04-45518
- article L. 8241-2 du Code du travail