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Comment se prémunir contre les risques de requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail ?
C’est un fait, le modèle du salariat est en perte de vitesse ces dernières années laissant place aux activités indépendantes dans des secteurs d’activité divers et variés. Le contrat de travail n’est plus considéré comme le graal du monde du travail.
Les contrats de prestation de services ont pris de l’ampleur faisant émerger des collaborations de plus en plus nombreuses entre auto-entrepreneurs, freelances, et donneurs d’ordre.
La limite est parfois très fine entre contrat de prestation de services et contrat de travail car dans les faits, les parties au contrat peuvent se comporter comme employeur et salarié.
Les conditions d’exercice de l’activité de l’auto-entrepreneur sont au coeur du débat. En effet, si ces conditions révèlent une hiérarchie entre les parties, le contrat de prestation est faussé. Le juge peut alors intervenir afin de requalifier le contrat de prestation en contrat de travail.
Les situations sujettes à la requalification ne sont pas rares et peuvent parfois s’installer sans réelle prise de conscience des parties.
Nous verrons dans cet article comment éviter ce risque de requalification du contrat de prestation en contrat de travail en mettant en place les mesures efficaces.
Le contrat de prestation est étranger à tout “ lien de subordination ”
Le lien de subordination est toujours au cœur de la requalification d’un contrat de prestation de services en contrat de travail.
La notion de lien de subordination suppose qu’une partie au contrat est soumise aux directives et aux contrôles d’une autre partie.
Ainsi, le lien de subordination est la caractéristique centrale du contrat de travail et plusieurs jurisprudence l’ont rappelé :
“ le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ” (Cass. Soc., 13 novembre 1996, pourvoi n°94-13.187, Bull. Civ., V, n° 386).
“ le lien de subordination se caractérise par les conditions matérielles d’exécution du travail, à savoir par les contraintes imposées par l’employeur quant au lieu de travail, aux horaires, à la fourniture de matériel, etc. “ (Cass. Soc., 31 janvier 2007, n°05-41.343).
Certaines situations entraînent pourtant l’apparition d’un tel lien dans les contrats de prestation de services. La jurisprudence met en lumière les principales causes du risque de requalification.
Vérifier les conditions de fond
contrat de prestation de services versus contrat de travail
Bien qu’il n’y ait pas d’obligation de contrat écrit, la rédaction d’un contrat de prestation de services pour formaliser la collaboration entre donneur d’ordre et auto-entrepreneur contribue à se prémunir contre le risque de requalification à condition que le contrat soit bien rédigé.
Par ailleurs, même si le contrat de prestations n’est jamais suffisant à prouver la relation non-salariée entre les parties, il constitue une preuve supplémentaire en cas de litige.
Ainsi, le contrat de prestation de services rédigé permet de formaliser clairement l’indépendance du prestataire et de définir les conditions d’exercice de l’activité afin que celle-ci soit bien distincte d’une activité salariée.
Dans ce sens, l’emploi d’un indépendant abatteur dans un abattoir, qui avait poursuivi son activité pour la même entreprise, dans les locaux de celle-ci, sur sa chaîne d’abattage, en utilisant la pointeuse de cette dernière, révélait qu’il travaillait sous la direction et le contrôle de celle-ci (Cass soc 22 mars 2018 N° de pourvoi: 16-28641) ;
En outre, la rédaction du contrat de prestation doit mentionner :
- l’objet du contrat ;
- les missions prévues ;
- les modalités d’exécution ;
- les conditions de rémunération ;
- l’identification du prestataire ;
- les délais de livraison de la prestation.
Toutes les précisions apportées au contrat de prestation de services sont un premier moyen d’anticiper la requalification du contrat à condition que les mentions contractuelles soient bien respectées dans les faits.
la responsabilité du donneur d’ordre : vérifier l’immatriculation de l’auto-entrepreneur
Au début de l’engagement, le donneur d’ordre est responsable de la vérification de l’identité du prestataire. En effet, le donneur d’ordre doit notamment vérifier le document attestant de l’immatriculation (extrait K bis ou carte répertoire des métiers) du prestataire.
En outre, le donneur d’ordre doit s’assurer que son prestataire est en règle auprès des organismes sociaux et fiscaux lors de la conclusion d’un contrat portant sur un montant d’au moins 5 000 € HT et ce, tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution (article L 3245-2 code du travail, article L 8822-1 code du travail, articles R 8222-1 à R 8222-3 code du travail, articles D 8222-4 à D 8222-5 code du travail, article L133-4-5 code de la Sécurité sociale).
Ces vérifications sont les premières précautions à prendre afin de se prémunir contre le risque de requalification du contrat de travail car si l’activité de l’auto-entrepreneur n’est pas régulièrement enregistrée, alors la collaboration entre le donneur d’ordre et le prestataire s’apparente à un contrat de travail.
Vérifier les conditions réelles d’exercice de l’activité
Préserver l’indépendance et l’autonomie de l’auto-entrepreneur
En cas de litige, le juge vérifiera si les conditions d’exercice de l’activité de l’auto-entrepreneur étaient réalisées en toute autonomie et indépendance.
Le donneur d’ordre ne doit en effet pas intervenir dans l’organisation du travail de son prestataire en lui imposant des horaires, un lieu de travail ou encore des congés.
Afin de se prémunir contre le risque de requalification du contrat, aucune supervision forcée de l’activité du prestataire ne devrait ressortir des faits.
A titre d’exemple, l’entreprise de prospection téléphonique qui emploit ses anciens salariés en qualité d’auto-entrepreneurs, tout en leur faisant poursuivre leur activité en imposant les modalités d’exécution de leur travail telle qu’une procédure de prospection définie à l’avance, caractérise l’existence d’un lien de subordination entraînant la requalification du contrat de prestation en contrat de travail (Cass. crim. 15 décembre 2015 n° 14-85.638).
Ne pas entraver l’indépendance économique de l’auto-entrepreneur
Certaines jurisprudences révèlent que la dépendance économique du prestataire peut être un indice complémentaire utilisé par le juge pour valider l’existence d’un lien de subordination entre les parties. En effet, lorsqu’une partie est contrainte financièrement par un engagement contractuel, cela peut parfois s’apparenter à un lien de subordination donnant naissance à un contrat de travail.
Le donneur d’ordre peut se prémunir contre la requalification du contrat de prestation en évitant d’inclure toute clause d’exclusivité lors de la rédaction du contrat par exemple. En effet, l’activité d’un prestataire étant exclusivement tournée vers un client unique peut soulever des doutes sérieux aux yeux du juge. Généralement, la dépendance économique est un indice qui sera ajouté à d’autres éléments afin de déduire l’existence d’un lien de subordination entre les parties.
Aussi, l’activité de secrétariat par un auto-entrepreneur ayant un client unique, ne cherchant pas à développer de la clientèle révèle l’existence d’un lien de subordination entre les parties entraînant la requalification du contrat de prestation de services (CA de Nîmes du 29 janvier 2019, n°16/05297).
La limite est parfois très floue entre les deux formes de contrats qui pourtant, sont diamétralement opposés. Se prémunir contre le risque de requalification du contrat de prestation repose finalement sur une question centrale : les conditions d’exercices de l’activité sont – elles fidèles à la liberté de l’auto-entrepreneur ? …